samedi 14 février 2015

Ton corps supplicié

Ce soir le souvenir de ton corps est revenu me tourmenter.

Ton corps doux, ton corps chaud, ton corps nu, ton corps brun et mat. Ton corps fin et frêle, A., incroyablement juvénile, incroyablement émouvant. Ton corps qui donnait envie de te protéger. Ton corps que tu mettais le plus souvent hors d'atteinte dans une nervosité intimidante, pourtant je me souviens de cette fois où entre mes bras ton corps tout entier enroulé, j'en sentais la légèreté et j'étais bouleversée par ta nudité, ta finesse, ta fragilité.

Ton corps ce soir, il m'est apparu prostré, ramassé sur lui-même comme qui se protège des coups. Ton corps d'adulte dans ton histoire d'enfant. Jamais je ne t'ai vu dans cette attitude. Mais il ne m'a pas fallu longtemps au début de notre histoire pour comprendre que tu t'étais fait, comme tu dis, "taper". On dit battre, mais ce mot-là, tu ne l'employais jamais. Battu. Enfant battu.

C'est cet enfant battu que je voyais par transparence dans ton corps fin et doux d'adulte, et je crois que je ne comprendrai jamais comment quelqu'un a pu s'acharner, faire violence à cette fragile beauté.

Et c'est peut-être aussi parce que, petit, tu avais pris des coups, tant de coups, que j'ai si longtemps supporté ta violence ; non parce que cela l'excusait, mais pour, en prenant sur moi, te protéger, pour dériver ce qui t'était arrivé, pour changer la cible, pour, peut-être, prendre les coups de ton père à ta place.

J'imaginais sans doute que j'étais mieux taillée pour encaisser.

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