jeudi 7 mai 2015

Mots de gorge

J'ai jamais eu aussi souvent mal à la gorge que quand j'étais avec toi, A. D'accord la gorge ça a toujours été mon point faible. Mais quand même, toutes ces années, je compte plus les angines, les trachéites, les laryngites.

Et pour moi ça fait sens. Parce que si souvent face à toi ma gorge s'est bloquée. Je parlais avec toi, ou plutôt, tu m'imposais ta parole, tu me violentais de mots, j'essayais de me défendre, j'essayais de me justifier, toujours, toujours, et rapidement je sentais ma gorge se bloquer, comme si une barre d'acier la traversait de part en part.

L'expression "avoir une boule dans la gorge", je l'ai vécue concrètement, mais elle est si faible pour décrire la dureté de ce qui me restait en travers.

Tu me tenais comme ça pendant des heures, tu m'imposais tes mots, violents, ton regards, violent, ma gorge devenait de la pierre, mes cordes vocales raides, dures, ma voix éraillée, parfois ça persistait ensuite pendant plusieurs jours.

Une sécheresse qu'aucune eau ne pouvait apaiser.

Je sentais cette tension dans tout mon cou, ma gorge, ma nuque, jusqu'au sommet du crâne, ma peau mes os mes muscles tendus à faire mal, ma tête devenait pierre et c'était si douloureux.

Ton but n'était pas de me faire avouer quelque chose. Ton but était de me réduire au silence. Mais pour ça, pour que mon silence ait pour toi valeur de victoire, il fallait d'abord me faire parler. Si je ne disais rien, si j'essayais de contenir mes émotions, tu pouvais continuer pendant des heures, jusqu'à ce qu'enfin n'y tenant plus je réagisse. Si je m'insurgeais de tes insultes, de tes accusations injustes, de tes calomnies, de tes insinuations dégueulasses, tu cherchais à me rentrer les mots dans la gorge, c'était si dur de les faire sortir, ça ne passait pas.

Tu m'as parfois fait hurler de rage et de douleur à en avoir mal pendant des jours.

Tu ne t'arrêtais que lorsque de ma gorge ne sortaient plus que des sanglots, durs, douloureux, comme des galets franchissant avec difficulté mon oesophage.

Tout à l'heure je marchais dans les rues de cette ville si belle, dans le soleil de début de journée, j'avais envie de pleurer je pensais à toi, ça me remontait comme une douleur depuis les poumons pour éclore dans la gorge, comme si ma cage thoracique s'ouvrait doucement, comme si l'air entrait pour la première fois dans mes poumons, mais c'était une douleur saine, un picotement presque agréable, A., tu sais, la douleur de la cicatrisation.

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