tag:blogger.com,1999:blog-28626245955591913342024-03-13T04:38:32.017-07:00Quitter AlgernonAvec Algernon, on s'est aimés tout de suite. Je l'ai quitté huit ans plus tard. Ces textes concernent mon expérience de huit ans de violences.Unknownnoreply@blogger.comBlogger18125tag:blogger.com,1999:blog-2862624595559191334.post-24342871945064228982018-05-01T03:29:00.006-07:002022-09-23T23:47:44.684-07:00Guérir, changerElle remonte à loin maintenant, cette histoire.<br />
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Plus de trois ans que j'ai quitté Algernon, plus de deux ans que je n'ai plus aucun contact avec lui, ni par téléphone, ni par mail, aucun.<br />
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C'est une histoire qui finit bien, puisque j'en suis sortie, je m'en suis bien sortie, et totalement sortie. <br />
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Si vous venez ici pour la première fois, lisez plutôt à partir des articles les plus anciens, c'est-à-dire du début. Si vous n'êtes pas là par hasard, peut-être vous vous y retrouverez. Et puis dans tous les cas lisez ceci, pour l'espoir.<br />
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Trois ans après, je suis toujours en train de guérir. C'est vrai, c'est long. Mais huit ans de blessures ne se guérissent pas en un jour, par le coup de baguette magique d'une décision courageuse. Ce serait chouette, mais non.<br />
<br />
Trois ans après pourtant, je peux mesurer mes progrès.<br />
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Les articles écrits en 2015, dans les mois qui ont suivi mon départ, il y a pas mal de choses que je ne ressens plus comme ça aujourd'hui, en ce qui concerne les émotions. Le souvenir de la douleur n'est plus aussi présent non plus. Plus aussi actuel. Mais je les laisse tel quels, en tant que témoignages. Pour moi aussi, ils me permettent de mesurer le chemin parcouru. Sur le plan théorique en revanche je suis toujours en accord avec ce que j'ai écrit.<br />
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Les crises d'angoisse sont toujours là, mais je suis passée de crises d'angoisses invalidantes, qui pouvaient durer des semaines et m'empêchaient de sortir de chez moi ou de voir des gens, à des crises plus ponctuelles et plus modérées. C'est toujours désagréable, mais je peux vivre avec.<br />
<br />
Je ne vis plus dans la terreur permanente, même si la terreur n'est pas toujours absente de ma vie. <br />
<br />
Je suis passée d'un mode de survie, où le but était chaque jour d'arriver au jour suivant, à un mode de vie, où je suis capable de prendre soin de moi réellement, de m'accorder autant de soin que j'en accorderais à une personne que j'aime.<br />
<br />
J'ai appris peu à peu à poser mes limites, à dire non, à reconnaître que j'avais le droit de dire non, à ne plus confondre aimer avec tout accepter.<br />
<br />
Aujourd'hui je sais que je ne risque plus de tomber sous l'emprise d'une personne violente - ni Algernon, ni aucun.e autre. <br />
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Algernon a continué à me manquer régulièrement pendant des mois, comme je le raconte <a href="https://aromante.blogspot.ch/2015/09/craving.html" target="_blank">ici</a> et <a href="https://aromante.blogspot.ch/2015/10/je-tai-tellement-aime.html" target="_blank">ici</a>. Ça a été une délivrance quand j'ai remarqué que ce n'était plus jamais le cas. Aujourd'hui je sais que si je le recroisais je ne risquerais plus de retomber sous son emprise - et je n'ai aucune envie de le recroiser. Il ne représente plus un danger pour moi. Pas davantage un regret. Maintenant, je m'en fous.<br />
<br />
Ces articles-là particulièrement, je les laisse comme témoignages de l'emprise, parce que c'est important à dire : je n'ai pas cessé d'être sous l'emprise de mon ex au moment où je l'ai quitté, mais à peu près un an et demi plus tard. En revanche, le quitter m'a immédiatement permis d'être en sécurité et d'entamer le processus de guérison qui a mené, entre autres, à la fin de son emprise.<br />
<br />
C'est à peu près à la même époque qu'Algernon a cessé de me manquer et que j'ai cessé d'être attirée par des personnes qui lui ressemblaient - des personnes violentes et possessives. Je pense que la thérapie et le groupe de parole y sont pour beaucoup, voir ci-dessous.<br />
<br />
Je vis mieux. Infiniment mieux. Pas seulement parce que je suis sortie de la violence conjugale, mais aussi parce que j'ai travaillé à changer, à devenir une personne mieux protégée contre celle-ci.<br />
<br />
Quand on sort d'une relation avec un agresseur, le risque, c'est d'en retrouver un autre. J'ai couru ce risque. Toutes les personnes victimes de violences conjugales que je connais l'ont couru aussi. Parce qu'on ne devient pas victime de violences conjugales par hasard. Non, il ne s'agit pas de dire que les victimes de violences le veulent, ou aiment ça, ou sont finalement tout aussi coupables puisqu'elles acceptent. Ça, c'est le victim-blaming des agresseurs, et c'est de la merde. La personne responsable des violences conjugales, c'est la personne qui exerce ces violences : ça, il n'y a aucun doute là-dessus. Mais la personne qui subit ces violences, en général, c'est une personne qui n'a pas appris à poser ses limites. C'est une personne à qui l'on a appris, généralement dans l'enfance, que pour être aimée, elle devait tout accepter, que c'était la condition nécessaire pour qu'on l'aime, ne serait-ce qu'un tout petit peu, parce qu'en général, les personnes qui vous apprennent ça, les parents toxiques, vous apprennent en même temps que vous n'êtes pas vraiment digne d'être aimée. C'est une personne à qui l'on a appris que son amour se mesurait à ce qu'elle était capable d'endurer pour celui-ci - à qui l'on a appris, finalement, à équivaloir amour et souffrance.<br />
<br />
Ce n'est pas un hasard si les victimes de violences conjugales sont surtout des femmes : ce type d'injonction à tout accepter, cette conviction d'être impossible à aimer, cette interdiction de poser ses limites personnelles et de <i>stand up for yourself</i> font partie intégrante de l'éducation des femmes dans le patriarcat occidental. Il arrive que des hommes ayant eu des parents toxiques aient les mêmes vulnérabilités, mais c'est une exception, alors que chez les femmes c'est systémique. D'où les statistiques. On n'apprend pas impunément aux femmes qu'elles n'ont le droit de rien demander pour elles, quel que soit le prix, et aux hommes que tout leur est dû, quels que soient les moyens.<br />
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Ces convictions, ce sont des failles, des vulnérabilités. C'est par là que les agresseurs rentrent dans votre vie, c'est par là qu'ils s'installent. Toute la culture populaire de l'amour toxique (je pense notamment à la pop music) est là pour vous dire que ces vulnérabilités sont ce qui fait votre beauté. C'est faux, et c'est de la merde. Ce sont des vulnérabilités de même que les failles de sécurité en informatique : elles permettent à quelqu'un d'autre de prendre le contrôle de vos systèmes, et vous, vous risquez de tout perdre.<br />
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La bonne nouvelle, et c'est là que je voulais en venir, c'est que ce n'est pas une fatalité. On peut, et ceci à n'importe quel âge, apprendre à poser ses limites, apprendre à considérer que l'on a de la valeur, apprendre à se défendre, dans tous les sens du terme - et pour se défendre, il faut évidemment avoir quelque chose à défendre, il faut un minimum s'aimer.<br />
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Si vous sortez d'une situation de violence conjugale ou si vous y êtes encore : le responsable, la source du problème, c'est la personne qui exerce ces violences sur vous, il n'y a aucun doute à avoir là-dessus. Mais ça veut dire aussi que vous avez certainement une vulnérabilité à ces violences, et qu'il va falloir vous en occuper, sous peine de retomber sous l'emprise de votre ex ou d'une autre personne violente.<br />
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C'est ce que veut dire guérir, lorsqu'on a vécu de la violence conjugale. C'est le même processus par lequel on se reconstruit, on cicatrise, par lequel on rend sa culpabilité à l'agresseur, et par lequel on apprend à poser ses limites.<br />
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Donc pour finir je vais parler de quelques trucs qui m'ont aidée dans ce processus de guérison. C'est mon chemin, donc <i>un</i> chemin, pas <i>le</i> chemin. Libre à vous de faire votre tri et de trouver le vôtre, et bonne route.<br />
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- <b>Parler</b>. C'est le début de tout. Les violences conjugales vont avec une injonction au silence, une demande de loyauté, voire une inversion de la culpabilité qui empêchent de parler de ce qu'on vit. En parler est horriblement difficile, mais ça m'a sauvée. Personnellement j'ai trouvé très difficile d'en parler avec mes amis les plus proches. En revanche, ça m'a beaucoup aidée de me rapprocher d'une association (le <a href="https://www.planning-familial.org/" target="_blank">Planning familial</a>, dans mon cas) où j'ai trouvé une écoute sans jugement sur les questions de violences. Ça m'a permis de mettre des mots sur ce que je vivais, de réaliser que c'était bien de la violence, et de me tenir bon à ma résolution de quitter Algernon. Aujourd'hui encore il m'est plus facile de parler de tout ça avec des personnes neutres qu'avec des personnes avec qui j'ai des liens affectifs, parce que j'ai du mal avec la douleur que ça leur cause. Je pense néanmoins que c'est une bonne chose de parler de ce que j'ai vécu à mon entourage, parce qu'on ne parle pas assez de ces sujets, parce que me taire renforce les clichés sur ce à quoi ressemble la violence conjugale et qui elle concerne, et parce que ce n'est pas à moi d'avoir honte de ce que j'ai vécu.<br />
<br />
- <b>Établir un.e intermédiaire</b>. Après mon départ, Algernon a continué à essayer de me détruire à distance, notamment par mail. Je dois la vie (littéralement) à l'amie qui a accepté que je redirige vers son adresse les mails d'Algernon, pour qu'elle les lise pour moi et fasse le tri entre les informations pratiques et le venin. Mon état s'est instantanément amélioré dès que je me suis sue protégée de ces agressions à distance. (Maintenant que toutes les questions pratiques sont réglées, les messages d'Algernon vont directement vers une adresse-poubelle dont j'ai oublié le mot de passe.) J'ai depuis joué ce rôle d'intermédiaire pour d'autres personnes. Le principe est simple : les mots d'une personne ne sont toxiques que si vous avez des liens affectifs avec cette personne. Les tentatives de manipulation d'une personne que je ne connais pas sont sans effet sur moi. Comme intermédiaire, j'ai choisi une personne en qui j'avais totalement confiance. Il en fallait de la confiance, car ça voulait dire qu'elle lirait les calomnies d'Algernon sur moi. Si je n'avais pas eu de tel.le ami.e dans mon entourage, j'aurais pu demander à ma psy, qui m'avait suggéré cette méthode, ou à un.e bénévole de l'association de lutte contre les violences conjugales.<br />
<br />
- <b>Groupe de parole</b>. Plus tard, après avoir déménagé, après l'avoir quitté, dans une autre ville, je me suis rapprochée d'une association spécialisée dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Cette association proposait des thérapies individuelles mais aussi des groupes de paroles de femmes victimes de violences. Ce groupe de parole a été déterminant pour moi. Parler avec d'autres femmes victimes de violences m'a permis de donner une réalité à ce que j'avais vécu, de sortir de l'intérieur de ma tête où quelque part Algernon était toujours là, en train de me dire que j'étais folle et que j'inventais tout ça, voire que c'était moi qui lui faisais du mal. Or justement, dans le groupe de parole, ce sentiment-là, on l'avait toutes, à un moment ou à un autre. Parler entre nous, ça nous a permis de nous confirmer mutuellement qu'on était pas folles, que ce qu'on vivait était bien réel ; parce que c'est plus facile quelque part de reconnaître la réalité des violences vécues par quelqu'un d'autre que celles que l'on vit soi-même, et parce que j'avais tendance aussi, au moins au début, à être plus bienveillante envers les autres qu'envers soi-même. En faisant l'un, j'ai appris à faire l'autre. Donc la solidarité et les échanges avec d'autres personnes qui vivaient la même chose, pour moi, ça a été déterminant. Merci pour tout, les girls.<br />
<br />
- <b>Thérapie</b>. Aux moments où je sombrais, faire un travail de psychothérapie m'a sauvé la vie. Plusieurs fois. Ça m'a demandé, avant tout, de reconnaître que là, j'étais submergée, je ne pouvais pas m'en sortir seule, j'avais besoin d'aide. Au-delà de ces urgences ponctuelles, ça m'a aussi permis, à plus long terme, de changer les schémas de fonctionnement qui me rendaient vulnérable aux violences. Pour moi, ce qui a été très efficace pour changer les schémas dans lesquels j'étais enfermée depuis l'adolescence, ça a été l'analyse transactionnelle. C'est une thérapie interactive, plutôt courte (pas 15 ans donc - moi j'ai eu de bons résultats en un an de thérapie hebdomadaire) qui se focalise sur les scénarios qui se répètent dans nos vies, et comment en changer. On y travaille beaucoup à partir de ses interactions avec les autres, donc je trouve que c'est assez pertinent pour traiter des questions de violences, et ça en fait aussi un bon exutoire.<br />
J'ai aussi trouvé l'EMDR très efficace pour traiter les traumatismes.<br />
Là encore, les associations de lutte contre les violences conjugales proposent souvent des thérapies gratuites aux victimes, pour les aider à se reconstruire et à sortir des schémas de violence.<br />
<br />
- <b>Lire</b> <i>Échapper aux manipulateurs</i> et <i>Divorcer d'un manipulateur</i> de Christel Petitcollin. Ces deux livres-là, très pratiques, m'ont indéniablement aidée, et en de nombreuses circonstances, même si je suis pas toujours d'accord avec tout ce qu'écrit cette autrice (la conclusion d'<i>Échapper aux manipulateurs</i> notamment, que je trouve contre-productive). L'analyse non-jugeante des facteurs qui rendent vulnérables à la manipulation et les stratégies proposées pour faire obstacle à celle-ci, notamment, m'ont été très utiles.<br />
<br />
- <b>Entretenir les liens</b>. La violence conjugale est quelque chose qui isole. Quand j'ai quitté Algernon, j'ai déménagé pour une ville où je connaissais peu de gens et je suis quelqu'un de timide et introverti. Autant dire qu'entretenir les liens, pour moi, c'est difficile et même parfois impossible, en cas d'angoisses notamment. Pourtant garder des liens avec mes ancien.ne.s ami.e.s, même à distance, et en créer de nouveaux sur place, même peu nombreux, cela m'a donné beaucoup de force et de résilience.<br />
<br />
- <b>Animal de compagnie</b>. Purée, qu'est-ce que je serais devenue sans le chat, sérieusement.<br />
<br />
- <b>Patience</b>. La guérison prend du temps. La guérison est cyclique. J'ai ragé de me voir retomber dans de vieux schémas et de vieilles angoisses alors que je m'en croyait sortie. Surtout que j'ai déjà tendance à être dure envers moi-même. Quand ça m'arrive, j'observe mes progrès sur le long terme, et comment mon "jour sans" est différent de ceux d'il y a six mois ou un an. Quand je traverse des périodes d'angoisse, observer qu'elles sont différentes, moins longues et moins intenses qu'il y a un an, deux ans, trois ans me fait beaucoup de bien. Constater les ressources personnelles et interpersonnelles que j'ai développé aussi. Mes moments d'angoisse, ce ne sont pas des retours à la case départ : je suis sur une longue spirale sur laquelle je progresse sans cesse, toujours un niveau plus haut.<br />
<br />
- <b>Me pardonner</b>. Je suis facilement en colère contre moi-même d'être restée huit ans dans cette situation qui m'a abîmée, physiquement et moralement. Cette culpabilité ne me quitte guère, surtout quand je subis les séquelles de la violence, notamment physiques, qui durent encore aujourd'hui. Contre cette colère-là, qui ne sert à rien, j'essaye de me souvenir que le responsable des violences, c'est l'agresseur ; et que cette personne travaillait quotidiennement à m'embrouiller la tête et à retourner la responsabilité. Que mes motifs pour rester avec Algernon, c'est-à-dire donner sa chance à la relation, voir le bon en lui, n'ont rien de honteux. Et que j'ai finalement fait ce qu'il fallait en partant.<br />
<br />
- <b>Quitter des gens</b>. La vie est trop courte pour m'emmerder avec des gens (ami.e.s, collègues, famille, amoureuxses ou même de parfaits inconnus qui se sentent autorisés à donner leur avis) qui trouvent que c'est de ma faute, que j'ai dû faire quelque chose pour le mériter, que je "n'avais qu'à partir" ou que je pète l'ambiance avec mes histoires de violence conjugale. C'est un discours horriblement répandu, il fait partie de notre culture violente. Il a pour but de faire taire les victimes et d'excuser les agresseurs. Le but, c'est de ne plus penser ça moi-même, donc maintenant je vire de mon entourage toute personne qui me sort ce genre de merde si elle n'est pas suivie d'excuses sincères (et par excuses sincères je veux dire reconnaissance que c'est de la merde et engagement de ne pas recommencer ; s'il y a récidive, je suis impitoyable). Entendons-nous bien : personne ne me doit son temps et son écoute, surtout sur ces sujets qui sont lourds, difficiles à entendre et peuvent aussi réactiver des traumatismes chez celles et ceux qui m'écoutent. Mais s'il est tout à fait normal et légitime de dire que l'on est pas en état d'entendre parler de ces sujets-là ici et maintenant, il n'est jamais acceptable de juger la personne victime de violences qui vous fait la confiance de vous en parler.<br />
<br />
- <b>Bienveillance</b>. Je mérite d'être bien traitée, et avant tout par
moi-même. Quand ça ne va pas, j'écoute mes besoins. Je ne me houspille
pas. J'essaye de me donner l'autorisation de ressentir ce que je ressens
et le réconfort et l'espace nécessaires à le digérer. Être bienveillante envers les autres m'aide aussi à l'être davantage envers moi-même : le non-jugement, ça marche dans les deux sens. <br />
<br />
- <b>Faire des trucs</b>. Que ce soit écrire, faire du sport, de la
menuiserie, de l'art, de la danse, seule ou en groupe : faire des trucs
me fait du bien.<br />
<br />
- <b>Faire rien</b>. Parfois, il n'y a pas d'autre solution. Personnellement quand je ne suis capable de rien faire d'autre je trouve un réconfort toujours renouvelé dans la lecture du webcomic <a href="http://questionablecontent.net/" target="_blank">Questionable content</a> ou de l'excellente BD <i>Cadavre exquis</i>, de Pénélope Bagieu.<br />
<br />
- <b>Changer l'amour</b>. Les violences conjugales s'appuient entre autre, culturellement, sur une conception toxique de l'amour, diffusée notamment par les chansons. Une culture où tuer celle qu'on aime, la harceler, la séquestrer, la surveiller, la torturer est une preuve d'amour. C'est faux, et c'est de la merde. L'amour, c'est fait pour être agréable. C'est fait pour être partagé. C'est fait pour être voulu par toutes les personnes impliquées. Donc j'essaye de bannir de ma vie les conceptions de l'amour qui font le lit de la violence. Je sais, c'est pas facile de changer ce qui nous fait vibrer. Mais avec le temps, on peut refaire de l'amour quelque chose d'aimable.Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2862624595559191334.post-70706725169292082522016-06-08T02:17:00.004-07:002022-09-23T23:55:34.868-07:00Street spiritC'est un traumatisme immense d'avoir eu quelqu'un de cher - parent, frère, soeur, ami-e - qui prenait soin de vous, était toujours là pour vous, et de l'avoir perdu brutalement dans quelque horrible et absurde accident.<br />
<br />
Il faut beaucoup - de larmes, de force, de temps - pour surmonter cela.<br />
<br />
Mais comment guérir de cet autre traumatisme, de n'avoir jamais eu personne qui prenne soin de moi ?Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2862624595559191334.post-9790303280301113042016-04-30T05:59:00.006-07:002022-09-23T23:54:33.109-07:00À mes amis<span style="color: red;">TW : dépression, suicide.</span> <br />
<br />
Voici ce que j'aurais envie d'écrire à mes amis, si j'osais écrire une telle lettre.<br />
Mais je l'écris ici, où personne ne vient, personne ne lit, et surtout pas mes amis.<br />
Car j'aurais peur, si je leur écrivais cela, de perdre d'un seul coup - tous mes amis.<br />
<br />
Mes amis, j'ai peur de ne pas y arriver.<br />
Ne pas y arriver, ça veut dire que peut-être on me retrouvera un jour sur le trottoir en bas de chez moi, la tête fracassée par la chute.<br />
Ou plus probablement, que je confierai le chat à M. en lui disant que je pars en weekend - je sais qu'elle l'aime bien. Je lui posterai ensuite une lettre lui demandant de bien vouloir en prendre soin en expliquant la raison, ou sinon contacter ma mère si elle ne peut pas. Bref mettre le chat en lieu sûr, et ensuite envoyer une lettre dont le temps de transport m'assure à la fois d'avoir le temps de mettre mon projet à exécution et que quelqu'un soit prévenu pas trop longtemps après - parce que je ne voudrais pas que mon corps soit retrouvé des semaines ou des mois plus tard, ça n'est pas un cadeau à faire à personne.<br />
Ensuite je rentrerais chez moi et je prendrais ce truc dont on m'a dit qu'il assurait une crise cardiaque rapide. Rapide à quel point, je ne sais pas exactement. Assez, j'espère.<br />
Ce truc, je ne l'ai pas chez moi. Je sais où en trouver, mais je n'en ai pas acheté pour l'instant. Je pensais en acheter pour en avoir "au cas où", parce que je crois qu'il est toujours bon d'avoir une porte de sortie en cas de maladie, de guerre, de famine. Mais en fait heureusement que je n'ai pas encore prévu cette porte de sortie, qu'elle n'est pas disponible chez moi actuellement.<br />
<br />
Mes amis, je ne vais pas bien.<br />
Je n'arrive pas à sortir de chez moi, je n'arrive pas à voir des gens, je n'arrive pas à travailler.<br />
J'ai peur de tout.<br />
Je vis dans une angoisse oppressante, une ambiance de film d'horreur, jour et nuit.<br />
Je suis partie, la situation a pris fin, mais la terreur est restée. Je me sens coincée dedans. <br />
L'intensité varie selon les jours. Il y en a de bons. Au début de l'année, j'ai même vécu un mois entier où je me sentais vraiment bien. Mais ça a pris fin. Dommage, j'ai beaucoup aimé. Mes amis, voyez-vous, certains rêvent de choses extraordinaires, de superpouvoirs, de capacités physiques ou intellectuelles augmentées, d'un bonheur de magazine. Moi je rêve d'une vie normale - avec une quantité d'énergie normale, sans ce voile noir oppressant de l'angoisse, sans cette terreur quotidienne et continue. C'était vraiment délicieux, je vous assure, tant que ça a duré.<br />
<br />
Mais globalement je vais très mal.<br />
C'est difficile pour moi de contacter les gens. Ça fait partie de la terreur.<br />
Je crève de solitude.<br />
Mes amis, y'en a pas un d'entre vous qui me fait signe. Vous ne prenez jamais de mes nouvelles. Vous êtes pourtant tous au courant de ma situation. Vous vous dites peut-être qu'il vaut mieux me laisser tranquille. Je l'ai déjà entendu. C'est des conneries. Peut-être aussi qu'interagir avec quelqu'un qui va mal vous met mal à l'aise. Ça je peux comprendre.<br />
Vous imaginez ce que c'est de ne pas pouvoir sortir de chez soi pendant des jours, des semaines, et ne pas recevoir autre chose sur son téléphone que les messages promotionnels de son opérateur, ne pas recevoir autre chose dans sa boîte mail que des newsletter publicitaires ou des annonces automatiques du travail ?<br />
Je n'entends jamais parler de vous. <br />
Je perds tout espoir que quelqu'un que j'aime pense à moi. Je fonds sur place. Je n'ai plus aucune valeur.<br />
<br />
Je ne sais pas comment ça s'est fait, ça s'est construit comme ça, c'est toujours moi qui prends l'initiative, qui envoie des messages, qui demande des nouvelles, qui propose de se voir. Sans doute parce que je considère que les autres gens sont plus intéressants, ou plus importants que moi.<br />
Mais la dynamique de nos échanges confirme ce sentiment.<br />
C'est toujours moi qui initie les échanges, et vous me répondez rarement.<br />
<br />
On pourrait dire : fais-toi d'autres amis.<br />
Ce n'est pas facile pour moi de me faire des amis. Surtout en ce moment.<br />
Et vous, que j'appelle mes amis, ce n'est pas par défaut, ce n'est pas parce que je n'ai personne d'autre. C'est parce que je tiens à vous. Vous êtes spéciaux. Vous êtes précieux. Vous n'êtes pas très nombreux, non plus. Vous êtes rares.<br />
Mais vous vous faites trop rares.<br />
Et je pense que si vous ne prenez jamais l'initiative de me contacter, c'est pas en pensant à mal. C'est parce que vous n'y pensez pas. Parce que vous êtes très occupés. Parce que vous avez vos propres problèmes. Parce que le temps passe vite. Je sais tout ça. Je sais. <br />
Peut-être aussi que vous n'avez pas besoin de moi autant que j'ai besoin de vous. Et ça, ça peut être effrayant.<br />
<br />
Mais j'ai quelque chose à vous demander, et c'est : faites-moi signe de temps en temps, s'il vous plaît. Un petit message. Ça n'a pas besoin d'être long. Ça n'a pas besoin d'être souvent non plus, pourvu que ça arrive de temps en temps. Mais pour moi, c'est vital.<br />
Demandez-moi comment ça va, et ne vous fâchez pas contre moi, ne vous découragez pas, si je vous réponds "pas brillant, pas mieux".<br />
Proposez-moi que l'on se voie, parfois, si c'est possible pour vous. <br />
Je peux comprendre que vous soyez mal à l'aise à l'idée de voir une personne qui va mal. Peur que je vous tire vers le bas, que je plombe l'ambiance.<br />
Rassurez-vous. Si vous m'invitez et que je ne suis pas en état de voir des gens ou de sortir de chez moi, je ne viendrai pas. Si j'accepte l'invitation, c'est que j'en suis capable.<br />
Si je refuse une fois, ou plusieurs, s'il vous plaît n'arrêtez pas de me proposer.<br />
Voilà, c'est tout. C'est simple, presque décevant. Faites-moi signe de temps en temps, proposez-moi qu'on se voie si vous pouvez, et continuez.<br />
Vous n'imaginez pas à quel point, pour moi, ça ferait une différence. Je pense que peut-être, si vous ne le faites pas, c'est parce que vous ne pensez pas que de si petits gestes puissent compter. Mais je vous assure que pour moi, là, ça pourrait bien faire toute la différence.<br />
<br />
En vous demandant ça, j'ai peur de ne plus jamais entendre parler de vous. J'ai peur que vous vous fâchiez contre moi. Ça fait partie de la terreur. <br />
Si je fais cette demande, c'est que je n'ai pas le choix. C'est vital.<br />
C'est parce que je pense à vous aussi, et je me demande quels seront vos sentiments si, la prochaine fois que vous pensez à moi, vous vous rendez compte que je ne suis plus là.<br />
La boîte est vide.<br />
Ce ne serait pas de votre faute. Pas de confusion là-dessus.<br />
Mais par contre, vous pouvez m'aider à rester en vie.<br />
<br />
J'ai besoin d'aide.<br />
Je demande de l'aide.<br />
<br />
Voilà. Prochaine étape : demander de l'aide là où elle pourra être entendue.Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2862624595559191334.post-21563741652811166962015-11-21T16:44:00.003-08:002022-09-23T23:58:19.008-07:00Un mental de femme battue<p>Bien sûr, Algernon n'était pas violent en permanence.<br />
<br />
Il l'était seulement souvent, et de manière imprévisible.<br />
<br />
C'est pas facile de vivre constamment sur ses gardes. C'est pas facile de vivre dans l'appréhension constante de la prochaine explosion. L'expression est : marcher sur des œufs. En vrai, ça correspondrait plutôt à la sensation de vivre dans un champ de mines. C'est un peu tendu.<br />
<br />
C'est pas facile, lorsque tu es en train de petit-déjeuner dans la cuisine, de craindre que ton compagnon se lève et descende avant que tu aies terminé, parce que tu sais qu'au minimum ta présence dans la cuisine quand il descendra faire son café semblera le mécontenter, et au pire tu ne sortiras pas de cette foutue cuisine du reste de la matinée, piégée dans une de ses séances de torture mentale.<br />
<br />
Vous me direz : t'as qu'à faire en sorte d'avoir terminé de petit-déjeuner quand il se lève.<br />
<br />
Mais oui bien sûr, ya qu'à faire ça, c'est évident.<br />
<br />
Sauf que là, vous venez de mettre le pied dans un truc. Vous venez de faire le premier pas dans ce qu'un collègue un peu maladroit a un jour appelé : un mental de femme battue.<br />
<br />
Un mental de femme battue, c'est penser qu'en vous dépêchant de finir votre petit-déjeuner vous éviterez la violence. Qu'il suffirait de modifier votre comportement pour que la violence cesse. Que la violence dépend donc de votre comportement. Que c'est à vous de changer, de trouver ce qui, dans vos actes, déclenche la violence, afin d'éviter de le faire à l'avenir.<br />
<br />
Un mental de femme battue, c'est considérer que tu es responsable de la violence qui t'est faite, et que tu peux y trouver remède en changeant ta façon de faire.<br />
<br />
Alors tu commences à essayer de changer. Terminer plus vite ton petit-déjeuner, d'accord, mais aussi un millier d'autres choses. Tu essayes d'être parfaite pour éviter à ton compagnon tout motif de contrariété. Tu vis dans une tension permanente, dans la crainte constante de foirer et de tout faire foirer. Et puis tu rates, évidemment, parce que personne n'est parfait. Et tu t'en veux.<br />
<br />
Et puis c'est difficile, parce que comment dire : un jour il va te prendre la tête parce qu'il te trouve dans la cuisine quand il se lève, et que ça l'agace, mais un autre jour il va te prendre la tête parce que tu n'es plus dans la cuisine quand il se lève, et qu'il a l'impression que tu le fuis. Ses exigences sont détaillées et contradictoires. Rien n'a de sens, tout s'inverse en permanence en son contraire. Tu as beau essayer, tu n'arrives pas à trouver la logique du déclencheur, à comprendre les règles de ce qui provoque sa violence.<br />
<br />
Mais c'est parce que ce n'est pas ton comportement qui est cause de la violence. Ton comportement n'est qu'un prétexte, et s'il change, le prétexte changera lui aussi.</p><p>Le besoin de violence trouve toujours un prétexte.<br />
<br />
La violence de ton compagnon, c'est comme un fleuve qui cherche à passer. Aucun barrage ne tiendra indéfiniment. A un moment le fleuve le brisera, ou trouvera une autre voie.<br />
<br />
Lorsque de la violence cherche à s'exprimer, elle trouve toujours le moyen de le faire.<br />
<br />
Ça tombe sur toi juste parce que tu es là.<br />
<br />
Tu pourras changer tout ce que tu veux, ton comportement, ta personnalité, ton identité, la violence te tombera dessus quand même, parce que ton compagnon porte en lui cette violence qui a besoin de se déchaîner.<br />
<br />
Alors la seule chose que tu puisses faire, la seule, vraiment, qui soit en ton pouvoir pour arrêter la violence, c'est partir.</p>Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2862624595559191334.post-80841414399427495042015-10-20T01:25:00.002-07:002015-10-20T01:25:35.341-07:00Les caresses blessantesJe n'ai jamais connu personne dont les gestes d'affection fassent aussi systématiquement mal.<br />
<br />
Je me souviens de cette époque où j'avais une fissure au lobe de l'oreille, parce qu'en me caressant le visage à chaque fois tu le faisais rouler en me l'arrachant un peu, rouvrant la blessure qui ne cicatrisait pas. Tes caresses sur mon visage étaient un peu fermes, bien sûr.<br />
<br />
De ta main posée sur mon bras, mais avec une pression des doigts si dure que tu me broyais les os et les nerfs.<br />
<br />
Des tout débuts de notre relation, où j'appréhendais tes étreintes parce que tu me serrais très fort, non au niveau des épaules, mais au niveau de la nuque, que je sentais mes vertèbres craquer dans l'étranglement, et que souvent j'en ressentais ensuite des douleurs pendant plusieurs jours.<br />
<br />
Combien de fois, au lit, tu as bougé ta jambe sur la mienne à la manière d'un archet en appuyant très fort, faisant rouler les muscles sous ma peau d'une manière qui m'était très douloureuse, j'avais beau te le dire, tu recommençais toujours et c'est moi qui étais pénible.<br />
<br />
Et puis il y a eu cette longue période où après l'amour, encore en moi, tu faisais un certain mouvement qui t'était sans doute agréable, mais me faisait hurler de douleur. J'avais exprimé cela clairement. Tu savais exactement de quel mouvement il s'agissait. Mais il a bien fallu un an pour que tu arrêtes de le faire - peut-être pas chaque fois, mais suffisamment souvent pour que chaque fois je l'appréhende sans pouvoir l'empêcher.<br />
<br />
C'est pas possible d'être en permanence en train de craindre les gestes d'affection physique de la personne que l'on aime. C'est un cauchemar.<br />
<br />
Bien sûr, cela arrive de faire mal à quelqu'un en voulant le ou la caresser, cela arrive d'être maladroit. Mais toutes tes caresses étaient minées. Et au lieu de faire ce qui se fait d'ordinaire dans ce genre de situation - on s'excuse, et on arrête le geste - toi au contraire tu me mettais la pression pour continuer, tu te plaignais que j'étais trop douillette, qu'on ne pouvait pas me toucher, que j'étais pénible, que je ne t'aimais pas. ça te donnait un argument pour limiter les gestes affectueux, évidemment, puisque j'étais si intouchable. Et puis c'était une manière efficace de me faire culpabiliser.<br />
<br />
Isolée dans la privation de contact physique, et pourtant craignant que tu me touches. Désirant les caresses, craignant les coups.<br />
<br />
Ainsi la plupart de tes caresses étaient des pièges. De même, dans beaucoup de tes propos, une pointe était cachée, et de la même manière que pour les caresses, il ne fallait surtout pas que je la relève, il ne fallait pas que je m'en plaigne, sinon c'était l'amorce qui allait te permettre, des heures durant, de m'adresser reproches et culpabilisation.Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2862624595559191334.post-56174602699816408572015-09-30T01:31:00.006-07:002022-09-24T00:09:43.488-07:00Je t'ai tellement aimé<p>Les jours où je ne suis pas coupée de mes sensations, parfois ça me revient en pleine gueule, il y a des chansons comme ça qu'il vaut mieux que j'entende pas dans les lieux publics parce que ça va pas être beau à voir, parce que faut bien avouer que c'est toujours le cas, qu'un amour comme ça, ça se termine pas comme ça, ça se termine pas du tout en fait.<br />
<br />
On vit déchiré après, c'est tout.<br />
<br />
J'ai tout aimé chez toi. Souvent encore quand un homme me plaît, ce n'est pas qu'il te ressemble, mais je dois bien avouer que vous avez quelque chose en commun, c'est sûr.<br />
<br />
J'ai aimé ta voix que tu n'aimes pas.<br />
<br />
Repenser à ton sourire me bouleverse. A la façon dont tu baisses les paupières. Aux mèches lourdes de tes cheveux.<br />
<br />
Je me suis planquée pour t'écouter jouer de la musique à l'époque où tu pensais que ce n'était pas agréable à entendre. Je t'ai accompagné prendre confiance progressivement. Et j'ai toujours tellement aimé ces moments quotidiens où tu prenais ta guitare, posé n'importe où, parfois t'accompagnant au chant. J'ai tant aimé ta musique.<br />
<br />
Pas juste la musique que tu faisais. Ta musique personnelle, ton harmonie intérieure, ce qui fait que tu es toi.<br />
<br />
Ton tour d'esprit, ton humour, l'étincelle dans tes yeux lorsque tu comprends un truc qui à la fois t'amuse et te plaît.<br />
<br />
Mais ce qui est étrange, c'est que je peux pas dire qu'"on" s'est aimés. On n'a pas vécu ensemble la grande histoire d'amour qu'on aurait dû.<br />
<br />
J'écris ça, j'ai le sentiment d'avoir été volée. <br />
<br />
C'est une terrible chose à penser, que j'ai vécu huit ans avec l'homme que j'ai le plus aimé de ma vie, et que ça n'a rien eu d'heureux.<br />
<br />
Tu refusais mon amour, mes marques d'affection te mettaient mal à l'aise, mon désir te faisait peur, les qualités que je voyais en toi n'étaient jamais les bonnes, les compliments tu ne les croyais pas. Je ne t'aimais jamais de la bonne façon, la manière dont je t'aimais tu la trouvais insultante, et je n'avais aucune piste pour savoir comment tu aurais voulu être aimé. Tu me tenais à distance, tu me faisais comprendre que je n'étais pas la bienvenue, au bout d'un moment je n'osais même plus aller vers toi. Les marques d'attention, les efforts que je faisais pour te rendre la vie agréable tombaient la plupart du temps comme un dû, rencontrant au mieux indifférence, au pire hostilité.<br />
<br />
Je t'aimais et toi qui disais m'aimer, tu me traitais si mal. Et pourtant je te crois, quand tu dis que tu m'aimes. Tu as reconnu, parfois, dans des jours de lucidité, que tu ne te comportais pas comme si tu m'aimais. Que tu m'as enveloppée quotidiennement dans un manteau d'épines. Mais comme toujours, ces éclairs étaient rapidement remplacés par le retour du discours culpabilisant - j'étais horrible, je faisais quelque chose de vraiment affreux, quoi ce n'était jamais clair, mais enfin en tous cas c'était à cause de moi.</p><p></p><p></p>De loin en loin tu me jetais quelques miettes, juste
assez pour me faire sentir ce que notre relation aurait pu être. C'était
extraordinairement bon, dans le désert où je vivais. Cela me donnait
des raisons de rester.<br /><p>C'est comme si tu étais atteint d'une maladie de l'amour, à ne pas pouvoir le vivre autrement qu'en rejetant et agressant la personne que tu aimes. À ne pas pouvoir le vivre autrement que comme une souffrance. Pour ça, et pour ça seulement, je te plains.<br />
<br />
Pour moi, c'était comme de devoir t'aimer à travers une vitre. En plus des agressions, une frustration constante. Sauf à de rares, si rares exceptions, je les compte sur les doigts des mains en huit ans, jamais pouvoir vivre l'amour que j'aurais voulu vivre avec toi, tout en sachant qu'il était présent entre nous.<br />
<br />
Le supplice de Tantale.<br />
<br />
Il en faut de la volonté à Tantale pour choisir enfin d'échapper à l'enfer en tournant le dos au festin qui s'offre à ses yeux, malgré la faim qui le tenaille, et s'enfuir en courant. Sans se retourner. En essayant, le plus possible, de ne pas y penser - parce que penser que l'on doit fuir ce que l'on aime le plus au monde, il y a de quoi devenir fou.<br />
<br />
Et c'est horrible de rester si longtemps avec quelqu'un qui aime mal. Parce qu'à vivre ensemble aussi longtemps, on apprend vraiment à l'aimer.</p>Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2862624595559191334.post-76873476003882768272015-09-24T01:16:00.002-07:002015-09-24T12:44:07.202-07:00CravingJe ne peux pas revoir Algernon. Je ne peux pas le croiser à nouveau.<br />
<br />
Et ce n'est même pas parce qu'il continue à me harceler à distance, à des cycles aussi réguliers que la Lune, à essayer, par mails, par lettres ouvertes postées sur son blog, de me faire croire que je suis folle, de faire vaciller ma santé mentale.<br />
<br />
C'est parce que je ne résisterais pas deux secondes à me jeter dans ses bras en pleurant toute l'eau de mon corps et à l'embrasser comme si mon souffle en dépendait.<br />
<br />
Parce que c'est simple, ça c'est toujours passé ainsi dans notre relation, et je le sens encore profondément dans ma tête : deux secondes de gentillesse, une parole tendre, un sourire, un seul geste de sollicitude suffisent à oblitérer entièrement à mes yeux des mois de mauvais traitement.<br />
<br />
Il y a un an, septembre était une torture. Algernon avait fini par comprendre que je serais ferme dans ma résolution de ne plus vivre ensemble, que j'allais vraiment partir. Alors il était admirable, charmant comme jamais.<br />
<br />
Le matin même de mon départ, il m'avait consolée alors que je paniquais, ruinée de larmes, prise dans ses bras avec douceur, trouvé les mots qui apaisent et donnent espoir.<br />
<br />
Et ces quelques rares moments, je ne peux les empêcher de me hanter, plus peut-être que des mois et des années de maltraitance. Rien à faire, pour moi ils pèsent davantage, et si l'occasion m'en était donnée, j'ai peu de doutes que je choisirais encore de voir cet aspect-là de lui plutôt que le sombre et amer visage que j'ai connu bien davantage.<br />
<br />
Parce que j'ai à la gentillesse le même rapport qu'à une drogue dure. Pour un sourire, pour une minute d'attention, j'ai l'impression que je serais capable d'accepter de subir n'importe quoi.<br />
<br />
Certains jours plus que d'autres.<br />
<br />
Aujourd'hui ensoleillé, un an après ce fatal et ensoleillé septembre où Algernon déployait toutes les ressources de sa séduction tandis que je restais ferme dans ma décision, ce septembre auquel je ne peux repenser sans que l'angoisse d'avoir été cruelle avec un homme adorable me torde le ventre, sans que cette illusion ne poigne à nouveau mon esprit, les fantômes prennent le contrôle, je sais que je suis vulnérable, je sais que je ne peux sous aucun prétexte revoir Algernon car la moindre ébauche de gentillesse de sa part me jetterait à nouveau totalement dans son emprise.Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2862624595559191334.post-67857030603074738912015-08-27T11:12:00.001-07:002015-08-27T11:12:03.871-07:00L'hameçonTout à l'heure j'ai croisé un pêcheur qui avait ferré un gros poisson. Il l'avait ramené tout près de la rive, il ne le sortait pas encore de l'eau, il le fatiguait. J'ai eu de la compassion pour la grosse bestiole qui se débattait à la surface, qui allait et venait en tous sens, cherchant une issue, qui mettait tant de vigueur à chercher à échapper à la mort inéluctable, qui se battait comme si elle pouvait encore échapper à cette horreur qui lui perforait la bouche de l'intérieur. C'était cruel.<br />
<br />
La grosse bête ne se résignait pas. Et comment faire autrement. Comment cesser de croire, jusqu'au bout, qu'on va pouvoir s'en sortir. <br />
<br />
Pourtant le poisson était déjà foutu, comme je l'étais moi aussi à chaque fois que je mordais à l'hameçon d'Algernon.<br />
<br />
Je le voyais jamais venir. Je le gobais toujours comme quelque chose de normal, j'y répondais en confiance. Ça avait toujours l'apparence d'un truc normal. L'hameçon était caché à l'intérieur. Pas moyen de faire la différence entre une phrase qui contenait un hameçon et une phrase qui n'en contenait pas. Parce que le seul truc qui faisait la différence, c'était : est-ce que ce jour-là, Algernon était d'humeur à aller à la pêche. Ça, je pouvais pas le savoir. Et c'est seulement après-coup que je me rendais compte avec horreur que je venais de mordre à l'hameçon fatal.<br />
<br />
Je me débattais un peu, comme tout bon poisson j'essayais de revenir en arrière, de dénouer rapidement le fil, de revenir à l'instant avant celui où tout avait basculé, mais je voyais rapidement que je ne pourrais pas m'en décrocher.<br />
<br />
Qu'Algernon m'avait ferrée, et qu'il allait me fatiguer pendant des heures, jusqu'à ce qu'une mort symbolique s'ensuive. Jusqu'à ce que je pleure, jusqu'à ce que mon visage ne soit plus qu'une grimace difforme, jusqu'à ce que je pousse des cris inarticulés, jusqu'à ce que je me cogne la tête contre les murs, jusqu'à ce que je m'effondre, apathique.<br />
<br />
Parfois j'ai essayé de feinter, de faire le poisson mort, de ne pas chercher à m'échapper en tirant sur la ligne, ce qui ne fait que faire pénétrer plus cruellement l'hameçon dans les chairs. Je pensais que peut-être le pêcheur pouvait se lasser, poser sa canne, casser sa ligne, penser à autre chose. Mais non, jamais. Quand Algernon m'avait ferrée, jamais il ne lâchait prise. Il allait continuer à me harceler à petits coups jusqu'à ce que de douleur je craque, que je lui donne ce qu'il attendait.<br />
<br />
Me voir danser au bout de sa ligne, me contorsionner de douleur sous sa cruauté en luttant pour ma vie, impuissante à m'échapper, irrationnelle, les yeux révulsés.<br />
<br />
Et à la fin, jamais il ne me donnait de coup de grâce. Il me laissait me contorsionner un temps sur la rive, à l'agonie, animée de mécaniques soubresauts.<br />
<br />
Puis il me rejetait à l'eau. Pour que je cicatrise un peu, suffisamment. Pour la prochaine fois.Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2862624595559191334.post-42374430379823251632015-08-19T13:44:00.003-07:002018-05-04T02:40:12.261-07:00Regrets sur mon vieux canapéMon canapé n'est pas très large ; il n'est pas très profond; il grince, l'assise en est usée ; il lui manque les accoudoirs qui en feraient un nid pour la lecture ; du reste, son dossier est bien trop droit et raide, on ne peut s'y enfoncer moelleusement. Il lui manque à peu près toutes les qualités du canapé spacieux et confortable que nous avions choisi pour notre salon, Algernon et moi.<br />
<br />
Un canapé où passer de délicieux dimanches pluvieux en automne, à lire l'un à côté de l'autre, cachés sous des plaids, en faisant des miettes de cookies.<br />
<br />
Un canapé où se raconter tranquillement nos journées.<br />
<br />
Un canapé où poser ma tête sur ses genoux pendant qu'il caresse mes cheveux. Ou l'inverse.<br />
<br />
Je manque d'imagination pour ce canapé, mais il inspire des idées de confort, de sécurité, de tendresse.<br />
<br />
Et pourtant rien de tout cela dans mes souvenirs de ce canapé - ou si peu.<br />
<br />
Mais tellement, tellement de souvenirs de ces longues journées où, chacun assis à un bout du canapé, Algernon hostile, intouchable, me détruisait à petit feu de ses mots jusqu'à ce que je m'effondre. Le canapé était alors un piège où ses mots me tenaient ligotée, impuissante, incapable de me lever et de partir, jusqu'à destruction totale.<br />
<br />
Tant de nuits où, réveillée par l'angoisse qui me vrillait le ventre vers quatre heures du matin, j'ai fui le lit où j'étouffais pour venir dormir sur le canapé où, loin d'Algernon, je trouvais enfin le sommeil.<br />
<br />
Tant de fois où sur ce canapé j'ai dormi tout le jour pour être au soir encore épuisée, minée par la violence quotidienne.<br />
<br />
Tant de fois où en passant dans le salon j'ai vu Algernon assis là le regard fixe, éruption imminente, ruminant quelque colère.<br />
<br />
Et pourtant je ne peux m'empêcher de regretter ce vieux canapé. Mais si j'interroge ce regret, je sais que ce n'est pas réellement le regret de ma vie avec Algernon, mais le regret de ce que cette vie aurait pu être, et qu'elle n'a jamais été.<br />
<br />
Ce regret, c'est la trace de ce sentiment qui m'a fait rester huit ans avec un homme qui chaque jour par ses violences trahissait l'amour que je lui portais : le sentiment que cela allait changer, qu'Algernon avait le potentiel pour être un homme merveilleux, que notre relation avait le potentiel pour être extraordinaire.<br />
<br />
Si seulement ça arrêtait de péter à tout bout de champ. Si seulement il arrêtait de me considérer comme son ennemie. Si seulement il relâchait la pression. Si. Si. Si.<br />
<br />
Je misais sur le bon en lui, en nous.<br />
<br />
Je me raccrochais comme à une bouée de sauvetage aux rares jours ou heures agréables que nous passions ensemble, comme à des preuves qu'avec un peu d'efforts, de bonne volonté, cela pourrait être comme ça tout le temps.<br />
<br />
Avec le recul, je pense que ces bons moments ne m'apparaissaient comme extraordinaires qu'à cause de leur rareté. En réalité, ce n'étaient que les moments ordinaires d'un couple. Mais parce que la plupart du temps j'étais privée de cette tendresse ordinaire, de ce calme, de ces sourires, ils me semblaient hors norme, quelque chose d'inatteignable, de divin, que je ne pourrais jamais retrouver avec personne d'autre. Alors je fondais sur ces moments l'espoir que notre couple aille mieux. Je me disais qu'on ne pouvait pas renoncer à une entente pareille.<br />
<br />
Je sais à présent que le regret de mon vieux canapé, c'est le regret de tous les espoirs que j'ai nourris huit années durant d'avoir enfin une vie normale avec Algernon. Sur ce canapé, on aurait pu faire ce que font tous les autres couples, se détendre, être heureux.<br />
<br />
Mais ce canapé n'a jamais eu la chance d'accueillir tous les espoirs que nous avions mis en lui.<br />
<br />
Faire le deuil de mon vieux canapé, c'est faire le deuil de la relation rêvée que j'aurais eu avec un Algernon imaginaire. Quelque chose qui n'a jamais existé que dans mon désir. Et que le canapé symbolise, mais n'incarne pas. <br />
<br />
Mon canapé actuel est peu confortable, la housse en est usée, grisâtre et tachée, et j'y suis assise seule.<br />
<br />
Mais je n'y subis pas de violences ; j'y suis libre et tranquille. Je m'y assieds et m'en lève quand je le souhaite. Il est, d'une certaine manière, le symbole de cette vie que j'ai reconquise.Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2862624595559191334.post-7509450791037996012015-05-30T16:42:00.002-07:002018-03-19T05:12:09.004-07:00Les yeux glaceParfois passant du temps avec un homme que j'aime, au beau milieu d'un moment agréable s'immisce un regard aigre, soudain je me mets à regarder cet homme avec les yeux de la mesquinerie, avec les yeux de qui ne cherche pas en l'autre la beauté, mais les imperfections, avec les yeux de qui se rassure de pouvoir juger l'autre sur ses imperfections, je sens une onde de mépris qui me parcourt, soudain alors que j'étais si proche je me perçois projetée à distance, je sens passer en moi des jugements sur des critères si mesquins - un visage, une silhouette, une éducation - que je m'en révolte aussitôt contre moi-même. Une sorte de nausée intérieure me soulève, ce qui vient de me traverser la tête, je ne peux pas le supporter en moi, il faudrait que je le vomisse de mon esprit.<br />
<br />
Dans ces moments je sais que A. est entré dans ma tête, que c'est lui qui pense et sent à travers moi, qu'il faut que je l'en sorte.<br />
<br />
Avant de connaître A. je ne me serais jamais permis de juger quiconque "médiocre". Aujourd'hui pas davantage. Cette émotion n'est pas la mienne. Elle vient d'avoir côtoyé huit ans durant quelqu'un qui méprisait tout ce qu'il aimait. Elle vient d'avoir moi-même été aimée et méprisée en même temps, de façon si intimement mêlée, à vous rendre fou.<br />
<br />
Je ne sais pas pourquoi A. méprise avec tant de force et de persévérance. Comme une réaction de défense vis-à-vis de tout ce qui met son intégrité personnelle en danger, c'est-à-dire tout ce qui est l'autre, et tout ce qui pourrait venir fissurer son déni.<br />
<br />
Mais je sais que le mépris, c'est une émotion que j'ai toujours trouvée diminuante pour celui qui la ressent, sans même parler de l'irrespect total de la personne qui en est l'objet, parce que ça c'est une évidence que c'est inacceptable.<br />
<br />
Moi, je carbure à l'enthousiasme et à l'admiration. Et si tu prends prétexte de mon admiration pour me juger méprisable, oh, pauvre, pauvre toi. Comme je te plains de ne pas concevoir cela autrement que comme des relations de hiérarchie.<br />
<br />
C'est peu dire que je vis mal ces moments où je sens que je juge mes amours avec les yeux de A. Mais ma longueur d'avance, c'est que je sais, dans ces moments-là, ce qui est en train de se passer. Je sais que ce jugement n'est pas le mien. C'est un sentiment désagréable, mais je peux m'en détacher.<br />
<br />
J'aime avec un cœur généreux. Un jour, A. sera sorti de ma tête, ces parasites disparaîtront.<br />
<br />
Bien plus gênante est cette sensation de vivre mes meilleurs moment à travers un voile de glace. Comme si je n'étais pas vraiment là. Comme si je n'arrivais pas à aller au bout de mes émotions. Comme si je me regardais à distance en train de vivre un moment agréable, mais que ce n'était pas moi qui étais en train de le vivre. Comme si je ne le ressentais pas dans les tripes, mais comme quelque chose d'abstrait.<br />
<br />
Doucement mais sûrement, je me dissocie.<br />
<br />
Pour moi, les deux sont liés. Si je peux sentir en moi des jugements insultants pour la personne que j'aime, c'est parce que, dans ces moments où je dissocie, cette personne n'est plus tout à fait réelle, plus tout à fait une personne.<br />
<br />
Je ne sais pas si c'est à cause de l'angoisse, de la menace que je sens toujours tapie au fond de moi, bourdonnant constante, sourde, de cette sensation tenace qu'à tout moment n'importe qui peut se mettre à me hurler dessus de façon irrationnelle, que ce que j'aime est dangereux et cherche à me tuer.<br />
<br />
Ou si c'est quelque chose de plus profond.<br />
<br />
Dans ces moments-là, j'ai peur de devenir A., parce que je sais que je touche à des choses qui sont profondément à l’œuvre chez lui. Je ne veux pas devenir A., dont la ruine intérieure se traduit en haine d'autrui. Je ne veux pas devenir cette autre femme, la sœur d'une amie, qui, après avoir vécu la violence du père de son enfant, brutalise à présent à son tour son nouveau compagnon.<br />
<br />
Ce cercle est trop fréquent.<br />
<br />
Je ne veux pas être celle que la crainte d'être à nouveau agressée maintient en permanence en position d'attaque. Je ne veux pas être celle qui a tellement perdu confiance qu'elle ne peut plus jamais se lier, et brûle tout ce qui l'approche.<br />
<br />
Comme A.. Pauvre A.<br />
<br />
Attendez-moi. S'il vous plaît. Pour l'instant je fais un peu semblant, en espérant que ce sera bientôt pour de vrai. Un jour, je serai à nouveau des vôtres.Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2862624595559191334.post-45880937839528051672015-05-18T15:30:00.000-07:002015-06-02T08:18:10.246-07:00SurvivanteJe suis une survivante.<br />
<br />
J'ai survécu à tellement de trucs, t'imagines même pas.<br />
<br />
Je suis une survivante, ça ne veut pas dire : je suis une victime.<br />
<br />
Je suis aussi une victime. Mais ça, c'est juste un fait.<br />
<br />
Je suis une survivante, ça ne veut pas dire que j'ai passivement survécu. ça veut dire que je me suis battue, et que j'ai vaincu.<br />
<br />
Je suis une survivante, ça veut dire : je suis encore là.<br />
<br />
J'ai surmonté, c'est-à-dire que je me suis haussée au-dessus. A la seule force de mes bras. Je vis à présent d'une vie supérieure. Sur-vivante.<br />
<br />
Je suis forte. Je suis entière. Bien sûr, tout ça laisse des traces, des marques, des ébréchures. Mais je suis résistante.<br />
<br />
Et les cicatrices rendent mon visage intéressant.<br />
<br />
Je m'en suis pris des coups, au corps, à l'âme, à la face, à l'intime. Et je suis toujours là. J'ai tenu bon.<br />
<br />
Je me suis battue. J'ai vaincu.<br />
<br />
Les coups, je les encaisse, je les intègre, j'en fais une partie de moi. Mon histoire, mais aussi ma sagesse. <br />
<br />
Pour surmonter je me suis grandie.<br />
<br />
J'ai grandi à travers mes batailles. Ne dis pas que je me suis durcie : je me suis trouvée. Tu prétends que je suis dure parce que tu m'aimes faible et vaincue. En vrai je suis douce. Douce, et ferme.<br />
<br />
Je suis devenue tellement forte, toutes tes attaques, je les ai récupérées, je les ai subverties, tes armes, je les ai retournées contre toi. A présent je les vois venir de si loin, à peine un haussement de mon sourcil pour qu'elles s'écrasent dans la plaine à mes pieds, tourbillon de poussière sitôt dispersé.<br />
<br />
Je suis une forteresse, une forteresse souple et sensible. J'ai conservé toutes mes qualités de cœur - je les ai protégées de tes assauts. Mieux, en luttant pour elles je les ai découvertes. Tout ce que tu nommais mes faiblesses, à présent je le revendique. Elles sont ma force et ma beauté. <br />
<br />
Je suis terrible et magnifique.<br />
<br />
Je suis une survivante, la boss de fin des temps, la colère des justes, la fierté faite femme, l'échec programmé de toute tentative de m'anéantir. Ton cauchemar.<br />
<br />
Alors je ne dirai pas : vas-y, frappe. Non. Je dirai : n'essaye même pas.<br />
<br />
Je suis une survivante.Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2862624595559191334.post-39138660837401071642015-05-07T03:49:00.002-07:002022-09-24T00:29:29.395-07:00Mots de gorgeJ'ai jamais eu aussi souvent mal à la gorge que quand j'étais avec toi, A. D'accord la gorge ça a toujours été mon point faible. Mais quand même, toutes ces années, je compte plus les angines, les trachéites, les laryngites.<br />
<br />
Et pour moi ça fait sens. Parce que si souvent face à toi ma gorge s'est bloquée. Je parlais avec toi, ou plutôt, tu m'imposais ta parole, tu me violentais de mots, j'essayais de me défendre, j'essayais de me justifier, toujours, toujours, et rapidement je sentais ma gorge se bloquer, comme si une barre d'acier la traversait de part en part.<br />
<br />
L'expression "avoir une boule dans la gorge", je l'ai vécue concrètement, mais elle est si faible pour décrire la dureté de ce qui me restait en travers. <br />
<br />
Tu me tenais comme ça pendant des heures, tu m'imposais tes mots, violents, ton regards, violent, ma gorge devenait de la pierre, mes cordes vocales raides, dures, ma voix éraillée, parfois ça persistait ensuite pendant plusieurs jours.<br />
<br />
Une sécheresse qu'aucune eau ne pouvait apaiser. <br />
<br />
Je sentais cette tension dans tout mon cou, ma gorge, ma nuque, jusqu'au sommet du crâne, ma peau mes os mes muscles tendus à faire mal, ma tête devenait pierre et c'était si douloureux. <br />
<br />
Ton but n'était pas de me faire avouer quelque chose. Ton but était de me réduire au silence. Mais pour ça, pour que mon silence ait pour toi valeur de victoire, il fallait d'abord me faire parler. Si je ne disais rien, si j'essayais de contenir mes émotions, tu pouvais continuer pendant des heures, jusqu'à ce qu'enfin n'y tenant plus je réagisse. Si je m'insurgeais de tes insultes, de tes accusations injustes, de tes calomnies, de tes insinuations dégueulasses, tu cherchais à me rentrer les mots dans la gorge, c'était si dur de les faire sortir, ça ne passait pas.<br />
<br />
Tu m'as parfois fait hurler de rage et de douleur à en avoir mal pendant des jours. <br />
<br />
Tu ne t'arrêtais que lorsque de ma gorge ne sortaient plus que des sanglots, durs, douloureux, comme des galets franchissant avec difficulté mon oesophage.<br />
<br />
Tout à l'heure je marchais dans les rues de cette ville si belle, dans le soleil de début de journée, j'avais envie de pleurer je pensais à toi, ça me remontait comme une douleur depuis les poumons pour éclore dans la gorge, comme si ma cage thoracique s'ouvrait doucement, comme si l'air entrait pour la première fois dans mes poumons, mais c'était une douleur saine, un picotement presque agréable, A., tu sais, la douleur de la cicatrisation.Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2862624595559191334.post-48398214295504750282015-04-16T09:30:00.003-07:002022-09-24T00:43:13.221-07:00Les autres<div dir="ltr">
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Souvent je m'attends à ce que les gens se mettent à me hurler dessus. Se mettent en colère contre moi, comme ça, sans raison. Même les amis. Même les amis proches. Même ceux dont je n'ai jamais rien eu à craindre. Souvent quand je ne suis pas avec eux je n'ose pas les contacter parce que je les imagine se transformer subitement en pères - ou mères - fouettards. Le même déchaînement de violence injuste et injustifiée que j'ai vécue de la part de A., et aussi de quelques autres personnes - du coup j'en crains le surgissement chez un peu tout le monde.<br />
<br /></div>
J'ai du mal à parler de ce que j'ai vécu.<br />
<br /></div>
Je m'attends toujours à ce qu'on mette ma parole en doute. Qu'on ne me croie pas. Que, en face ou dans mon dos, on dise que je délire, que j'en fais trop, que je cherche juste à attirer l'attention sur moi. Que c'est pas possible. Que je suis une grosse mytho.<br />
<br />
Moi-même parfois j'ai du mal à y croire, je me dis non mais tu te fais des idées ma fille, tout de même, il ne t'a pas battue. Je me dis que ce que j'ai vécu c'était peut-être normal, c'est juste moi qui suis trop sensible. Et puis là en général je me secoue et je dis : A., sors de ma tête.<br />
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J'ai du mal à parler de ce que j'ai vécu, parce que je pense toujours que les autres n'ont pas envie d'entendre parler de ça. C'est trop triste, trop violent. J'ai pas envie de plomber l'ambiance. Je m'imagine que si je commence à m'ouvrir les horreurs que j'ai vécues, les gens prendront leurs distances avec moi parce que c'est trop pesant à porter, parce qu'ils ne peuvent pas supporter ça.<br />
<br />
Je m'imagine que mes amis ne voudront plus me parler.<br />
<br />
Je me sens comme une merde de parler de ça à des personnes qui connaissent A., j'ai l'impression de médire dans son dos. <br />
<br /></div>
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Je m'imagine que les amoureuxses ne voudront plus de moi s'ils savent que je porte en moi un aussi lourd vécu. Je m'imagine que mes traumatismes me rendent repoussante. Donc je les cache.</div>
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Je m'imagine que si je me mets à pleurer devant eux, les gens me trouveront si laide qu'ils ne voudront plus jamais me voir.<br />
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J'ai peur que les gens aient envie de me taper dessus parce que ma faiblesse passée ou présente les énerve ; parce qu'ils trouveraient que les gens faibles sont nuls.</div>
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Je pense que personne n'a envie d'entendre parler de violences conjugales et que du coup, si je commence à le faire, mes amis vont se mettre à me crier dessus et me mettre à la porte.<br />
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Je pense que les gens s'imaginent qu'une fois qu'on a quitté son conjoint violent, c'est bon, c'est fini, et qu'ils ne comprendront pas que j'aie autant besoin d'en parler <i>après</i>.<br />
<br />
Je culpabilise beaucoup d'avoir autant besoin d'en parler. Alors finalement j'en parle peu, rarement, sans entrer dans les détails.</div>
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J'ai du mal à m'ouvrir.</div>
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J'ai pas dit que les gens avaient ces attitudes-là. Dans tout ce qui précède je parle de mes appréhensions irrationnelles vis-à-vis des réactions des autres, forgées par l'expérience de la violence et puis deux ou trois autres trucs aussi. Je parle de l'intériorisation de la crainte, de la culpabilité ancrée et de l'isolement qui s'ensuit. Je parle de ma mentalité de femme battue.<br />
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Les autres, maintenant.</div>
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Bien sûr j'ai perçu souvent une gêne, une réticence chez mes interlocuteurs. ça se comprend. C'est pas des choses faciles à entendre. C'est pas des choses auxquelles on s'attend, même si les statistiques des violences conjugales sont si effarantes qu'on devrait toujours bien se douter qu'on en a dans son entourage proche. Deux femmes sur cinq, au cours de leur vie. Vous en connaissez forcément une.<br />
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L'envie de changer de conversation, je l'ai sentie aussi. C'est pas toujours fait avec tact. Mais je suppose que préférer parler d'autres choses plus positives, ça part d'un bon sentiment, c'est pas juste parce que vous en avez rien à foutre de mes problèmes et qu'est-ce qu'elle vient nous emmerder.</div>
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De l'incrédulité parfois chez ceux qui connaissent aussi A., mais la plupart du temps je sais juste pas ce que vous en pensez.<br />
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De l'incompréhension chez ceux qui me connaissent depuis si longtemps qu'ils n'arrivent pas à comprendre pourquoi je ne leur en ai pas parlé avant.<br />
<br />
Des tentatives de relativiser, de minimiser, de ramener ce que j'ai vécu à des disputes d'amoureux, à des situations de couple normales, à des ruptures normales. Je sais bien que c'est pour essayer d'apprivoiser l'inacceptable, de le ramener à votre échelle, mais pour moi c'est très humiliant. Je me sens rabaissée lorsque quelqu'un fait ça. Je me sens incomprise sur un sujet intime, important, atrocement douloureux.<br />
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Et puis cette question qui revient toujours, lancinante, culpabilisante : <a href="http://aromante.blogspot.fr/2015/03/pourquoi-rester.html">pourquoi es-tu restée</a> ? Vous n'avez pas idée à quel point je me sens nulle, à quel point je me sens responsable, à quel point je me sens t'as à t'en prendre qu'à toi-même, à quel point je me sens misérable à chaque fois que quelqu'un me pose cette question-là. ça me donne l'impression que j'ai à me justifier, comme si c'était moi la coupable.<br />
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Le seul truc pire, je crois, c'est ceux qui me demandent ce que je faisais pour mettre A. en colère comme ça. Comme s'il y avait une possibilité pour que je l'aie mérité.</div>
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Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2862624595559191334.post-51796336908077161772015-03-24T06:48:00.006-07:002022-09-24T00:47:33.084-07:00Pourquoi resterLa première réaction des personnes à qui je parle de mon expérience de la violence conjugale est en général d'incompréhension : pourquoi suis-je restée si longtemps ? Huit ans, c'est quand même... long !<br />
<br />
Je pourrais prendre cette question comme quelque chose de très culpabilisant. Mais je choisis d'y entendre un authentique étonnement - étonnement d'autant plus grand que je ne suis pas précisément une petite chose fragile.<br />
<br />
Ces réponses me sont personnelles, bien sûr, mais quand je me pose sincèrement la question, voilà ce que je me réponds.<br />
<br />
(1) Parce que A. ne se réduit pas à un conjoint violent. On ne tombe pas amoureuse de quelqu'un à cause de sa violence. C'est aussi quelqu'un de magnifique et unique, que j'ai aimé et que j'aime sans doute encore. Longtemps je me suis concentrée sur les aspects positifs de notre relation - et il y en avait, bien sûr - en relativisant la violence. Ainsi je passais mon temps à oublier les violences passées, vivant en amnésique, surprise à chaque nouvelle explosion.<br />
<br />
(2) Parce que j'ai beaucoup culpabilisé de cette violence, puisque j'étais constamment accusée d'en être la cause. Souvent c'était des accusations complètement irrationnelles, je ne les comprenais pas mais les ressentais profondément et espérais réussir, moi, à changer. Souvent aussi A. me reprochait mon manque d'engagement dans la relation, alors que j'ai tout donné pour notre couple, alors que mes rares réticences étaient liées à sa violence. Ça, je pense que c'est une des causes principales : A. passait son temps à m'embrouiller l'esprit et à me dire que c'était moi la responsable.<br />
<br />
(3) Parce que A. a vraiment essayé de changer. Dans le cours de notre histoire, il a fait trois thérapies, dont au moins une visait directement à régler ses problèmes de violence, les deux autres à un travail psychologique plus global dont on pouvait attendre indirectement des effets positifs. Je l'ai vu constamment alterner entre des phases où il reconnaissait le problème et d'autres où il le niait complètement, ou affirmait que c'était du passé et qu'à présent c'était moi le problème (voir point 2).<br />
<br />
(4) J'ai essayé de rompre. Beaucoup. Dès les premiers mois de notre relation. Mais chaque fois j'ai accepté de faire des compromis (voir point 1). Ces tentatives ont donné à A. des arguments constants pour me faire <a href="http://aromante.blogspot.fr/2015/02/rapture.html" target="_blank">culpabiliser</a>. Souvent aussi c'est lui qui prétendait rompre lors de ses grandes colères, mais c'était toujours des mots sans effet, hélas.<br />
<br />
(5) J'ai essayé de rompre. Beaucoup. Sans jamais réussir à aller jusqu'au bout, jusqu'à cette année. Et la raison de ça, je pense que c'est très important : <i>les violences psychologiques que je subissais m'épuisaient tellement que je n'avais pas la force de partir</i>. Là encore, je sais que c'est difficile à croire pour celleux qui ne l'ont pas vécu, et que celleux qui l'ont vécu me comprendront immédiatement.<br />
<br />
En partant il y a deux mois, et les semaines qui ont précédé mon départ, j'ai dû mobiliser une quantité d'énergie colossale, une quantité d'énergie dont je ne disposais absolument pas. Je n'aurais jamais réussi si je n'avais pas parlé à quelques personnes, si je n'avais pas reçu de l'aide ou au moins du soutien. J'ai creusé mon découvert d'énergie vitale. J'ai fait des dettes d'énergie si abyssales que j'espère que je n'en suis pas à tout jamais séchée, que ce ne sera pas l'unique œuvre que j'aurai réussi à accomplir de ma vie - quitter A.Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2862624595559191334.post-15493558932746981392015-03-24T05:18:00.002-07:002022-09-24T00:49:18.556-07:00Votre attentionJ'ai des problèmes de concentration. Difficile de garder mes idées en ligne, difficile de lire plus de trois phrases d'affilée sans que mon esprit parte se balader ailleurs. Où, je ne sais pas très bien d'ailleurs. La plupart du temps je me rends juste compte que je viens de passer les cinq dernières minutes collée contre un mur de béton mental, c'est pas comme si j'avais pensé à autre chose ou à quelque chose en particulier.<br />
<br />
Je pense que ça va mettre un bout de temps à se tasser, parce que pendant huit ans mon espace mental ne m'appartenait plus. Il appartenait à A.<br />
<br />
On n'avait jamais eu de contrat là-dessus, même oral, même tacite. Au début, A. avait tant de choses intéressantes à dire, et aussi tant de choses personnelles et douloureuses qui n'étaient jamais sorties, je lui avais bien volontiers accordé généreusement mon écoute. C'était le début d'une relation, un plaisir de se découvrir l'un l'autre.<br />
<br />
Mais ça n'a jamais cessé.<br />
<br />
Petit à petit, je me suis rendu compte qu'il n'y avait jamais de silence et que ce n'était pas sain, que c'était même épuisant.<br />
<br />
Petit à petit, cet épuisement mental m'a rendue plus passive, j'intervenais moins dans nos conversations, je laissais A. discourir. <br />
<br />
Petit à petit, je n'ai plus eu de place du tout pour m'exprimer dans la relation. Paradoxalement A. me reprochait en même temps de ne pas suffisamment exprimer mes émotions ; moi, j'avais l'impression que je n'avais jamais de place pour le faire.<br />
<br />
Petit à petit mon écoute est devenue un dû.<br />
<br />
Lorsque je travaillais dans mon bureau, A. n'avait aucun scrupule à me demander mon temps et mon attention pour parler de quelque chose qui le préoccupait. Parfois pendant plusieurs heures. Si je manifestais que j'avais quelque chose à faire, cela le <a href="http://aromante.blogspot.fr/2015/02/du-ciment-dans-la-tete.html" target="_blank">contrariait</a>, et cette contrariété devenait le sujet de conversation urgent du moment. A. allait ainsi exiger que je me concentre sur ses problèmes à lui jusqu'à épuisement de mon énergie mentale : une fois qu'il serait parti, je pourrais recommencer à travailler, mais je n'en aurais plus la force.<br />
<br />
Lorsque j'étais simplement en train de me détendre, il se sentait encore plus justifié à venir prendre mon temps.<br />
<br />
Lorsque je rentrais fatiguée après une longue journée de travail, il fallait encore que je l'écoute. Pas nécessairement activement - il se contentait de mon silence - mais attentivement. A. percevait la moindre fluctuation de mon attention - un regard flottant, un bâillement réprimé, lorsqu'à bout de fatigue, tombant de sommeil, je n'arrivais vraiment plus à me concentrer sur ce qu'il disait - et alors se fâchait, m'accusait sèchement de ne pas l'écouter, de ne pas m'intéresser à lui.<br />
<br />
Il fallait que je l'écoute revenir pour la centième fois sur les mêmes problèmes, me demander des conseils qu'il ne suivrait pas, développer en spirale des pensées négatives sur n'importe quoi - sa vie, la mienne, ses amis, mes amis, sa famille, ma famille - échafauder des projets faramineux pour lesquels il aurait besoin que je lui promette mon aide et mon investissement total mais dont je savais qu'il ne les commencerait jamais.<br />
<br />
Toujours, si j'avais autre chose à faire que l'écouter, j'étais un monstre et j'étais responsable de ce qui n'allait pas dans notre relation.<br />
<br />
Depuis deux mois j'apprends, petit à petit, à me réapproprier mon espace mental. Deux mois contre huit ans. On ne défait pas si facilement les habitudes. A présent je vis seule mais c'est comme si mon esprit était encore en permanence <i>occupé, dérangé</i>. ça va prendre un peu de temps, je pense, pour que cet espace transformé en hall de gare redevienne <a href="https://ebooks.adelaide.edu.au/w/woolf/virginia/w91r/" target="_blank">une chambre à soi</a>. <br />
<br />
<br />Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2862624595559191334.post-76788022952912383212015-02-16T06:00:00.005-08:002022-09-24T00:58:12.833-07:00Du ciment dans la tête<div dir="ltr">
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J'aurais du mal à expliquer cela à quelqu'un qui ne l'a pas vécu, et je sais que toutes les personnes qui l'ont vécu me comprendront.<br />
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Cela commençait toujours par quelque chose d'anodin. Une petite contrariété. Une fois, tu m'as pris la tête parce que je n'avais acheté qu'une seule pâtisserie qu'on partagerait, j'aimais bien l'idée. Puis, immédiatement après, parce que j'étais allée en racheter une deuxième. Une fois parce que je n'avais pas pris la bonne sorte de café. Une fois parce que je te demandais de ne pas continuer à me caresser la tête comme tu le faisais, parce que tu me déchirais le lobe de l'oreille, ça me faisait mal. Mais souvent il te suffisait de me trouver dans la cuisine lorsque tu descendais petit-déjeuner pour que cela te contrarie, et c'était parti. Bien des fois aussi tu m'as pris la tête parce que, suite à une prise de tête, je n'étais pas très bien, pas très gaie, pas très souriante, j'avais envie de pleurer, j'étais incapable de faire comme si tout était revenu à la normale, et cela te contrariait.<br />
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Une petite contrariété, donc. Tu l'exprimais. Au départ je ne me méfiais pas. C'est fou, en huit ans je n'ai jamais appris à me méfier. Je te répondais donc, confiante qu'en discutant on pourrait dissiper le malentendu. Je me justifiais. Et c'était parti.<br />
<br />
Tu ne lâchais pas. Ma faute était inexcusable, je devais payer. Tu montais en tension. Ton regard devenait fixe, comme une tige d'acier. Tu me prenais dans des pièges de langage. Prétendais que j'avais dit ce que je n'avais pas dit, fait ce que je n'avais pas fait. Dénichais chaque raison de me faire sentir coupable. Peu à peu, tes récriminations prenaient de plus en plus d'ampleur, jusqu'à engager toute mon attitude, toutes mes actions, tout mon être. Rien n'allait chez moi. Tu étais injuste et insultant, habile à me faire mal, à me mettre en colère par l'injustice de tes propos, et ma colère venait alimenter la tienne. Dès que je perdais mon calme - et tu étais si doué pour me faire perdre mon calme, pour taper là où c'est le plus douloureux - j'avais perdu, plus rien ne pourrait me sauver.<br />
<br />
Je n'ai jamais réussi à arrêter moi-même une seule de ces longues séances où tu me coulais du ciment dans la tête.<br />
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Ça durait au minimum deux heures. Le plus long, je crois, c'était huit ou neuf heures d'affilée. Parfois c'était en plusieurs fois au cours de la même journée, deux heures, puis arrêt, tu me laissais filer, puis ça reprenait pour deux ou trois heures de plus. Je tremblais lorsqu'après une dispute je te voyais arriver dans mon bureau et t'asseoir avec ce regard soucieux pour "discuter". Je savais que tu allais recommencer à soulever la merde, ne pas lâcher le morceau, des heures, encore des heures. Je n'arrivais jamais à m'échapper.<br />
<br />
Si j'essayais de sortir de la pièce tu m'en empêchais physiquement. Tu m'usais physiquement en m'empêchant de boire ou de manger, accroissant la fatigue et l'énervement. Souvent c'était dans la cuisine, parfois dans mon bureau, parfois aussi dans la chambre. Lieux symboliques, là où aurait dû être l'intimité, il y avait la torture psychologique.<br />
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Tu m'as parfois acculée à tant de désespoir que j'en ai hurlé comme une bête, à en avoir mal à la gorge pour plusieurs jours. Parfois aussi je t'ai mordu lorsque tu m'empêchais physiquement de sortir de la pièce. Je n'ai jamais eu le dessus. Ce sont des souvenirs de cauchemar, où j'avais l'impression de ne plus m'appartenir. J'étais ta marionnette hurlante.<br />
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La seule chose qui pouvait t'arrêter, c'était mes larmes. Alors tu venais, tu me consolais, me prenais dans tes bras - au début je me laissais avoir, mais assez vite j'ai appris à détester ces câlins de circonstance : comment me laisser consoler par celui même qui m'a mise dans cet état ? Alors je te repoussais et cela justifiait tes accusations selon lesquelles je te rejetais. Et puis je savais bien que ce n'était qu'un moment fugace : la dureté n'avait pas disparu du fond de ton oeil ; dès que j'avais cessé de pleurer, dès que je me calmais un peu, tu reprenais le processus de destruction là où tu l'avais laissé.<br />
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Je savais que tu ne me laisserais tranquille, peu importe le temps que ça prendrait, que lorsque tu m'aurais réduite à un petit tas humide et minable, littéralement <i>épuisée</i>, alors tu me relâcherais enfin, avec la sensation d'être passée sous un rouleau compresseur, brisée de l'intérieur, courbaturée d'émotions négatives, tu me laisserais retourner à ma vie, ou ce qu'il en restait.</div>
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Ma journée était foutue : j'allais traîner, triste, neurasthénique, vidée de toute énergie, jusqu'au soir. Et souvent la journée suivante aussi, tant la fatigue était importante.</div>
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En général, c'était à peu près une fois par semaine. Parfois plus. Dans les pires périodes, tous les jours ou tous les deux jours. Lorsque se passaient dix jours sans crise j'en étais tellement soulagée que j'oubliais la dernière, je m'imaginais que ça allait enfin cesser, je n'étais plus sur mes gardes - et alors tu me retombais dessus.</div>
Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2862624595559191334.post-81397278374233369872015-02-16T04:13:00.004-08:002022-09-24T00:59:06.083-07:00Ra(p)tureLa première fois que j'ai vraiment essayé de rompre avec toi... La première fois que j'ai rompu avec toi, pour de bon, tu es instantanément devenu, comme par magie, l'homme dont j'avais toujours rêvé. Tu étais doux, prévenant, compréhensif. Tu reconnaissais tout ce que tu m'avais fait subir. Tu comprenais que c'était odieux, que j'avais raison de ne pas l'accepter. Tu ne le faisais plus.<br />
<br />
J'ai pensé que tu avais compris. Que tout allait changer. Tel que tu étais là, j'étais prête à signer à nouveau. Après un mois, j'ai accepté de donner un avenir à notre couple.<br />
<br />
Tu es instantanément redevenu, comme par magie, l'homme abusif que j'avais toujours connu. À nouveau la tension permanente, la mauvaise humeur, la violence sourde, les récriminations. Moins d'une semaine après, tu niais avoir jamais reconnu les mauvais traitements, et tu prétendais que c'était toi qui étais resté pour m'aider, parce que j'allais tellement mal.<br />
<br />
Et le pire, c'est que cette tentative de rupture avortée t'a donné un argument de plus pour me culpabiliser : pendant tout le temps qu'allait encore durer notre histoire, tu ne cesserais de me rappeler à quel point je t'avais fait du mal en cherchant à rompre avec toi - une cruauté impardonnable.Unknownnoreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2862624595559191334.post-65356159383190115992015-02-14T17:19:00.004-08:002022-09-24T01:04:01.137-07:00Ton corps suppliciéCe soir le souvenir de ton corps est revenu me tourmenter.<br />
<br />
Ton corps doux, ton corps chaud, ton corps nu, ton corps brun et mat. Ton corps fin et frêle, A., incroyablement juvénile, incroyablement émouvant. Ton corps qui donnait envie de te protéger. Ton corps que tu mettais le plus souvent hors d'atteinte dans une nervosité intimidante, pourtant je me souviens de cette fois où entre mes bras ton corps tout entier enroulé, j'en sentais la légèreté et j'étais bouleversée par ta nudité, ta finesse, ta fragilité.<br />
<br />
Ton corps ce soir, il m'est apparu prostré, ramassé sur lui-même comme qui se protège des coups. Ton corps d'adulte dans ton histoire d'enfant. Jamais je ne t'ai vu dans cette attitude. Mais il ne m'a pas fallu longtemps au début de notre histoire pour comprendre que tu t'étais fait, comme tu dis, "taper". On dit battre, mais ce mot-là, tu ne l'employais jamais. Battu. Enfant battu.<br />
<br />
C'est cet enfant battu que je voyais par transparence dans ton corps fin et doux d'adulte, et je crois que je ne comprendrai jamais comment quelqu'un a pu s'acharner, faire violence à cette fragile beauté.<br />
<br />
Et c'est peut-être aussi parce que, petit, tu avais pris des coups, tant de coups, que j'ai si longtemps supporté ta violence ; non parce que cela l'excusait, mais pour, en prenant sur moi, te protéger, pour <i>dériver</i> ce qui t'était arrivé, pour changer la cible, pour, peut-être, prendre les coups de ton père à ta place.<br />
<br />
J'imaginais sans doute que j'étais mieux taillée pour encaisser.Unknownnoreply@blogger.com0